À l’été 2015, Cecilia Bengolea et François Chaignaud ont été les premiers chorégraphes invités par le TanzTheater Wuppertal Pina Bausch à créer une pièce pour la compagnie depuis la disparition de la chorégraphe. Ils y ont créé The Lighters – Dancehall Polyphony, qui fait se rencontrer et dériver le répertoire polyphonique de madrigaux anglais de la Renaissance au Dancehall des rues de Kingston.
Pour leur nouvelle création pour leur propre compagnie, ils souhaitent poursuivre cette recherche et creuser ces pratiques et ces contrastes. Ils invitent cinq ballerines ainsi que des intervenants artistiques spécialisés dans le Dancehall à les rejoindre dans l’exploration du chant et de la danse.
Fascinée par la complexité rythmique du Dancehall jamaïcain, Cecilia Bengolea étudie depuis plusieurs années cette culture musicale et chorégraphique née dans les années 60 en Jamaïque. Le Dancehall est un style de vie résistant aux structures de pouvoir, une dénonciation des idéologies oppressives. C’est un exutoire à la violence et à la compétition que subissent les plus jeunes dans les ghettos de Kingston. Cecilia Bengolea se rend régulièrement en Jamaïque où elle a rencontré deux danseurs, stars du Dancehall (Damion BG Dancerz et Giddy Elite Team) et intégré le groupe de danseurs garçons gangsters à Kingston, Verbnation. Très jeunes et courageux, refusant de se plier aux travaux mal payés, nouvelle forme d’esclavagisme et d’exploitation, ils tentent avec beaucoup d’inventivité de vivre en s’exprimant. Cela crée une danse combattive et résistante, technique et rythmée. Pour ce projet, Cecilia Bengolea a appris les chorégraphies et cherche une écriture entre la narration et l’abstraction.
Mu par le rêve de chanter et danser simultanément, François Chaignaud s’est engagé dans l’étude des chants polyphoniques traditionnels géorgiens (à trois ou quatre corps et voix). Ce répertoire, parfois très ancien (certains chants encore chantés sont antérieurs à la chrétienté) est considéré à la fois comme une tradition et comme un élément toujours vivant du quotidien. Le répertoire y est très varié selon les régions et les fonctions de chaque chant. La plupart des chants sont construits à trois voix, créant des frottements et des vibrations spécifiques. La découverte de ce répertoire, aux sonorités rêches, pré-classiques, l’a conduit à l’exploration des débuts de la musique polyphonique française écrite du XIIIème siècle (Guillaume de Machaut, notamment). S’y retrouvent les mêmes enjeux collectifs de complémentarité des voix, certains intervalles et principes de compositions, et une même pensée magique de la musique. L’étrangeté des harmonies, antérieure à l’invention de l’accord et de la rationalité classique, conserve une mémoire râpeuse et sophistiquée du continent européen d’avant la Renaissance, d’avant la colonisation.
Excité par l’immense défi technique (de justesse, de synchronisation et d’émission) que représente le fait de chanter et danser a capella ces polyphonies (médiévales et géorgiennes), François Chaignaud rêve d’une expression totale à travers laquelle les corps produisent un événement à la fois musical, vocal, visuel et kinétique.
En empruntant un chemin propre de recherche, avant de réunir et composer les matériaux chorégraphiques et musicaux qui en seront issus, François Chaignaud et Cecilia Bengolea affirment à la fois leur passion pour les pratiques chorégraphiques et artistiques extérieures au champ de référence de la danse contemporaine, et leur désir de forger une écriture spécifique, spéculative, abstraite, humoristique, à partir de l’expérience de ces langages hétérogènes. Cette œuvre convoque la diversité et la spécificité des généalogies et des sources traversées autant qu’elle s’en émancipe pour créer des figures et des formes inattendues, des rapprochements, des combinaisons libérées des références d’origine. Ces références, si éloignées dans leur géographie, leur histoire et leur esthétique, se rejoignent dans l’exigence collective qu’elles supposent, et dans leur puissance ensorcelée, « pre-enlightment », que leurs compositions, à la fois savantes et simples, déploient. Ils poursuivent ainsi une recherche au long cours, fondée sur une curiosité autant anthropologique que formelle pour les formes d’expression chorégraphiques et musicales.
ÉQUIPE DE CRÉATION
Conception Cecilia Bengolea, François Chaignaud
Collaboration chorégraphique Damion BG Dancerz, Joan Mendy
Interprétation Cecilia Bengolea, Cassie Dancer/ Damion BG Dancerz, François Chaignaud, Valeria Lanzara, Joan Mendy/ Craig Black Eagle, Erika Miyauchi, Shihya Peng
Régie générale, création lumière et collaboration dramaturgique Jean-Marc Ségalen
Vidéo Giddy Elite Team
Mixage son Clément Bernerd
Chefs de chant Cécile Banquey, Baptiste Chopin, Alix Debaecker, Eugénie de Mey, Marie Picaut, Celia Stroom
Costumes – Conception Cecilia Bengolea et François Chaignaud – Réalisation : Méryl Coster, Florence Demingeon et France Lorenzi
Administration – Production Anne Reungoat, Jeanne Lefèvre, Céline Peychet
Diffusion Sarah de Ganck/ART HAPPENS
COPRODUCTION
Bonlieu Scène nationale Annecy et La Bâtie-Festival de Genève dans le cadre du programme INTERREG France-Suisse 2014-2020, Club Création Entreprises – Annecy, l’Echangeur – Centre de Développement Chorégraphique Hauts-de-France, Biennale de la Danse de Lyon 2016, Festival d’Automne à Paris/Les Spectacles vivants – Centre Pompidou, Opéra de Lille, deSingel – Anvers, Salder’s Wells – Londres, CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble dans le cadre de l’Accueil Studio, Centre de Développement Chorégraphique Toulouse/Midi-Pyrénées, Centre national de danse contemporaine Angers dans le cadre de l’Accueil Studio, PACT Zollverein – Essen, Gessnerallee – Zürich, La Pop – Paris.
SOUTIENS
Institut français – Paris (2014-2015), FIACRE Fonds d’Innovation Artistique et Culturelle en Rhône-Alpes (2015), Ménagerie de verre – Paris (Studiolab), CN D Centre National de la Danse de Pantin (accueil en résidence).
REMERCIEMENTS
Aux danseurs invités de Jamaïque qui ont accompagné la résidence de création : Dancing Rebel, Giddy Elite Team, Nicky Trice Rifical Team, O’shean et Suns French Squad et Rudey Legacy, ainsi qu’à Mélodie France, Geoffroy Jourdain (les Cris de Paris), Elodie Tessier et particulièrement Bonlieu Scène nationale Annecy chez qui Cecilia Bengolea et François Chaignaud ont répété et créé le spectacle DFS.